Nous allons faire des confitures ensemble, sans exhumer d’antiques bassines de cuivre, sans nous mettre devant nos fourneaux de l’aube à la nuit tombée, sans mobiliser toute la famille pour trier, éplucher, laver des dizaines de kilos de fruits. Nous allons travailler simplement, rapidement et confectionner cependant d’excellentes confitures, garnir nos étagères de pots au contenu multicolore, à la saveur digne des longues préparations de nos grands-mères.

Comment s’y prendre pour réaliser ces confitures sans effort ?
En traitant les fruits par petites quantités, au hasard d’un achat avantageux au marché, d’une cueillette au jardin ou au cours d’une promenade. Nous ferons 3, 4, 6 pots à la fois, c’est l’affaire d’une heure ou deux de travail, pas plus que la réalisation d’une recette d’un plat en sauce, beaucoup moins qu’un pot-au-feu.
Et puis, au lieu de consacrer aux confitures des journées entières de l’été, nous romprons avec la tradition et préparerons des pots tout au long de l’année, ne négligeant ni les fruits de l’automne ni ceux de l’hiver qui donnent d’excellents résultats et permettent une grande variété. Vous trouverez dans ces articles un grand nombre de recettes de confitures. Si à la lecture, la préparation de certaines vous paraît un peu longue, c’est qu’elle s’échelonne sur 2 ou 3 jours, ce qui ne signifie pas 2 ou 3 jours de travail, mais des temps de repos de 24 heures entre des cuissons qui, elles, sont brèves.
Une grande diversité de confitures
À côté de recettes classiques, abricots, fruits rouges, pêches, prunes, poires, vous verrez des confitures à base de légumes et de fleurs, plus originales, mais pas plus difficiles à réussir. Même si vous n’avez encore jamais fait de confitures, livrez-vous à ce plaisir que votre famille et vos amis partageront ensuite en dégustant vos produits. Rien n’a autant de charme que ce qui est fait maison. Rien ne vous vaudra autant de compliments et de succès de cuisto de la maison.
Quand vous aurez réussi vos premières confitures, amusez-vous à raffiner les détails… Corsez-en le parfum en ajoutant par exemple un peu de rhum dans la confiture de poires, une pincée de cannelle dans celle des pommes, un petit verre de kirsch dans les cerises. Essayez des confitures-cocktails, quelques tranches de pêches jaunes dans la gelée de groseilles, des pruneaux dans la marmelade de rhubarbe… Mélangez cerises et prunes, abricots et framboises, quartiers de poires et gelée de pommes. Notez vos essais sur un petit carnet que vous conserverez précieusement.
Faire ses propres confitures est-ce économique ?
Autre avantage des confitures maison, elles sont économiques. Elles reviennent à environ la moitié du prix de celles que l’on achète dans le commerce, même si l’on utilise des fruits et du sucre de première qualité. En plus des recettes de confitures, ces articles ont la prétention de donner des suggestions d’utilisation pour que vous ne vous contentiez pas de les servir banalement avec des tartines. Une centaine de gâteaux, entremets et plats salés où la confiture intervient pour exalter la saveur d’une sauce ou d’un mets, complètera cette série d’articles qui s’achèvera sur des conseils d’achats des confitures du commerce pour tous ceux qui n’ont ni le temps ni le désir d’en préparer eux-mêmes à la maison.
La petite histoire des confitures

Si la confiture figurait aux fastueux banquets athéniens et si elle était l’ornement raffiné des festins de la Rome antique, les gourmets européens furent plus longs à la reconnaître. En effet, le sucre n’est introduit en France qu’à la suite des Croisades. Au début du XIVe siècle, les confiseurs, rattachés à la très importante corporation des épiciers, ont seuls le privilège de fabriquer des confitures. L’inspecteur général de la douane à Paris, Savary des Brûlons, écrit, en 1723, dans son Dictionnaire Universel du Commerce :
« Confiseur ou confiturier, marchand qui fait ou qui vend des confitures. Quelques-uns mettent de la différence entre le confiseur et le confiturier en prétendant que le confiseur est celui qui fait effectivement les confitures qu’il vend, et le confiturier celui qui fait commerce des confitures qu’il n’a pas faites. Cependant, dans l’usage, et même dans le négoce des confitures, on ne fait point cette distinction, et confiseur et confiturier y ont une même signification ».
Les épiciers précurseurs de la fabrication de bombons
Rappelons-le, les épiciers étaient, alors, marchands de ces épices rares et précieuses, à la fois condiments et remèdes et qui, enrobées de sucre, sont les ancêtres des bonbons. Ils adaptent d’abord les recettes orientales, rapportées, comme le sucre, par les Croisés, puis des pâtes parmi lesquelles le gingembart (gingembre confit) et le pignolat, à base de pignons, sont les plus appréciés. Sans doute était-ce avec une de ces pates que fut dressé le présent offert à Charlotte de Savoie, en 1467, pour son entrée à Paris… Un cerf fait de confiture, qui avait les armes de cette noble reine pendues au col, et plusieurs beaux drageoirs tout pleins de douceurs et de belles confitures.
La confiture prend ses lettres de noblesse
C’est en 1555 que paraît le premier traité sur l’art des confitures dont l’auteur, Michel de Nostre-Dame, est plus connu sous le nom de Nostradamus. Ses prédictions d’astrologue ont fait plus pour sa gloire que ses recettes de confiserie. Pourtant il est orfèvre en la matière. II sait adapter au goût et aux fruits français des recettes nées en Orient et transmises par l’Italie et l’Espagne. On y apprend à faire la gelée des guignes qui est aussi claire et vermeille qu’un fin rubis, ou la confiture de gingembre vert. Le sucre étant alors un objet de grand luxe, l’auteur recommande la proportion de sept livres de fruits pour deux livres de sucre seulement !
Quelques années plus tard, Olivier de Serres, un seigneur du Vivarais, auteur d’ouvrages pratiques sur l’agriculture, conseille à son tour la fabrication des confitures… Pâtes de pêches ou d’abricots, dont la recette vient de Gênes. Pâte de framboises, recherchée pour son odeur agréable, zestes de citron ou d’orange qui se confisent au sec dans une étuve. Muscadilles, poires si petites que, réunies et confites en bouquets on les peut mettre toutes sept à la fois dans la bouche d’où le nom, pittoresque pour le moins, de cette friandise dite de « sept-en-gueule ».
La royauté et les confitures
La mode s’empare des confitures et celui qui en sert à ses invités assure le renom de sa table. François 1er, dit-on, avait une véritable prédilection pour le cotignac, préparation à base de coings. Il en savourait un jour Chez Mme d’Etampes, sa favorite du moment, quand s’apercevant qu’un autre galant s’était caché sous le lit, il lui glissa la boîte en disant. « Tiens. Brissac, il faut bien que tout le monde vive ! ».
Les confiseurs installés à Paris, pour la plupart autour des Halles, font fortune. Deux maisons le Fidèle Berger et le Grand Monarque attirent tout particulièrement la clientèle du XVIe siècle. Les grands seigneurs et le Roi, en personne, ne détestent pas mettre la main à la pâte. C’est à la cuisine, alors qu’il préparait ses propres confitures, que Louis XIII apprit l’exécution de Cinq-Mars, son favori, à qui il fit trancher la tête pour trahison à l’âge de vingt-deux ans. Son oraison fut courte et efficace. « Cinq-Mars avait l’âme noire comme le cul de ce chaudron ».
Non contents des ressources si variées des vergers français, les maîtres confituriers de l’époque prennent aux jardins leurs fleurs, aux potagers leurs légumes… On fait de la confiture de roses, de la marmelade de violettes ou des côtes de laitue au sirop, poétiquement appelées bouches d’ange. Les chroniqueurs du Grand Siècle, évoquant la gourmandise du Roi et de Monsieur, son frère, ont longuement décrit l’éclat des festins royaux, qui se terminaient toujours par des marmelades et gelées servies dans des bassins d’argent.
Le sucre est une denrée rare et chère
Mais de telles délices furent réservées aux grands de ce monde pendant des siècles, car le sucre que la France achetait à Venise était un produit cher. II fallut attendre le XVIIIe siècle où la culture de la canne à sucre prospéra merveilleusement aux colonies des Antilles pour en voir le prix baisser légèrement. Mais malgré l’abondance de la production, le sucre restait coûteux à cause du long transport par mer. Son usage ne se démocratisera réellement que sous Napoléon, à l’occasion de la découverte du sucre de betterave. Alors commencèrent à se répandre à des prix accessibles à tous les consommateurs, divers produits de confiserie au premier rang desquels figuraient les confitures.